
Le correcteur voue une part importante de son travail à la ponctuation.
C’est un art et un exercice délicat que d’intervenir sur cet aspect de l’écriture. En effet, si l’usage de la plupart des signes est relativement clair et répond à un certain nombre de règles, celui de la virgule est beaucoup plus flottant. Bien qu’elle soit absolument indispensable à certains endroits et prohibée à d’autres, la place de la virgule relève avant tout du style de l’auteur. Respiration propre à chacun, il devient très délicat d’en ajouter ou d’en supprimer sans prendre la place de la personne qui nous a confié son travail.
George Sand parlait très bien de la nécessité de respecter la volonté de l’écrivain à partir du moment où la syntaxe est correcte dans une phrase.
Voici ce qu’elle écrivait dans une lettre à Charles Edmond en août 1871 :
« Vous vous demandez, mon ami, pourquoi je tiens à ce qu’on ne me rectifie pas ma ponctuation à l’imprimerie. J’essayerai de vous dire mes raisons.
La ponctuation a sa philosophie comme le style ; je ne dis pas comme la langue ; le style est la langue bien comprise, la ponctuation est le style bien compris.
Il y a des règles absolues pour la langue et des règles absolues pour la ponctuation. Le style doit se plier aux exigences de la langue, mais la ponctuation doit se plier aux exigences du style. Je nie qu’elle relève immédiatement des règles grammaticales, je prétends qu’elle doit être plus élastique et n’avoir point de règle absolue.
Il y a une foule de bons traités de la ponctuation. Il faut les avoir lus, il faut s’en aider au besoin, il ne faut pas s’y soumettre avec servilité. »
Plus loin, elle évoque le travail des correcteurs (protes dans les ateliers d’imprimerie) :
« Ces nuances ne sont pas du ressort des protes. Un bon prote est un parfait grammairien et il sait souvent beaucoup mieux son affaire que nous savons la nôtre ; mais aussi quand nous la savons et que nous y faisons intervenir le raisonnement, le prote nous gêne ou nous trahit. Il ne doit pas se laisser gouverner par le sentiment ; il aurait trop à faire pour entrer dans le sentiment de chacun de nous ; mais quand il a à corriger nos épreuves après nous, il doit laisser à chacun de nous la responsabilité de sa ponctuation comme il lui laisse celle de son style. »
Lorenceau Annette, « La Ponctuation au XIXe siècle », in Langue française, n° 45, 1980, pp. 56-59.
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